Piétinons mon ami!

Le ciel gris même au printemps, elle détestait cela, elle l’avait en horreur. Pourtant, malgré le froid de cette fin de soirée, elle était vêtue légèrement, une longue robe bleu nuit fendue sur la hanche droite. Elle avait traversée la moitié de la ville par ses petites ruelles, récoltant au passage une petite bagarre avec une jeune mariée.

L’amour, l’amour, quelle pitoyable invention, ça se disait amoureux et la reluquait le jour de son mariage avec une pauvre naïve. Elle l’avait quand même surprise, la garce, sans qu’elle ne s’y attende, trop occupé à faire les yeux doux au jeune marié, elle l’avait attaqué, elle avait osé. Anaël en était plus que vexée, son sang avait coulé, une mince entaille sur son cou.

Bien sûre, celle-ci allait vite disparaitre, son assaillante n’avait guère eu le temps de lui trancher la gorge, elle lui avait cassé le poignet. Mais la Sorcière était bluffée. Une folle dingue ! Voilà ce que cette femme était ! Bien qu’elle lui donnait entièrement raison, elle devait surveiller son mari, face à une beauté comme la sienne, cette pauvre femme banale n’aurait rien pu faire.

C’est ainsi que de fort mauvaise humeur, la jeune femme avait fait route vers les jardins.

Mais son humeur grincheux disparut très vite, les gens qu’elle croisait la regardait, admiratif ou terrifiés par la dague qu’elle avait accroché à sa ceinture. Ce »la tombait bien au final cette attaque, la dernière fois qu’elle s’était battue avec un Hunter elle avait perdu son arme. Décevant, le sabre qu’elle s’était trouvé par pure chance était une merveille. Mais bon, il fallait bien faire avec les moyens du bord !

Elle entendit Tanis avant même de le voir !

De la musique, et quelle musique !!! Une horreur, si comique qu’elle dut se mordre la lèvre pour ne pas rire. Qui pouvait chanter comme ça ? Certainement pas quelqu’un qui avait toutes ses capacités mentales ! Etait-il drogué ? Ou peut-être bourré ?

Malgré l’aspect comique du personnage, jamais elle n’y aurait prêté autant d’attention si elle n’avait pas vu son visage. Il était plutôt mignon, un vrai costaud ! Même si elle ne lui plaisait pas il pourrait être intéressant de se battre avec lui. Elle l’observa de loin avant de s’approcher.

Il était tombé, elle ne put s’en empêché et son rire à moitié stoppé lui fit l’effet d’un gloussement. Le sourire aux lèvres, elle l’examina, il en voulait à la nature le pauvre !!! Quel dommage pour ce jolis parterre de rose, ne s’était-il pas fais mal avec les épines ? Peut-être s’amusait-on à couper toutes les épines ici ? Elle trouva l’idée si ridicule qu’elle secoua doucement sa tête de gauche à droite, se moquant d’elle-même !
Elle n’allait pas rester là à ne rien faire longtemps, ce n’était certainement pas son genre, ainsi, ayant deviné qu’il allait s’attaquer à un autre parterre de fleurs, elle se plaça sur son chemin. Ce qu’elle n’avait pas prévu c’était la force avec laquelle ils se heurtèrent. Anaël manqua de tomber et l’expression du jeune homme quand elle se rattrapa à lui, brisa le maigre self contrôle qui lui restait.

Elle rit, pas bruyamment, d’un rire assez délicat mais ses épaules furent secouées de tremblement, elle était assez proche pour sentir l’haleine du jeune homme, ainsi il était bourré. Très amusant.

En quelques secondes, elle s’était éloignée mais ses yeux étaient plantés dans ceux du jeune homme, le sourire aux lèvres, elle lui fit une légère courbette.

« Je suis Anaël ! Et vous vous êtes le démolisseur de jardins ? »

Son regard glissa sur la bouteille, pas tout à fait pleine, son sourire s’aggrandit.

« Me feriez-vous le plaisir de partager un peu de votre boisson ? »

Il fut très amusant de voir ses réactions, elle le gênait semblait-il puis, ayant entendu sa voix, son aspect avait aussitôt changé. Cette réaction lui arracha un énorme sourire, elle ramena sa crinière devant, sur son épaule et entortilla ses doigts dans les boucles brunes.

C’était sa manière à elle de contrôler ce besoin qu’elle avait de tout toucher.

On est dans un jardin là ? La question n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde ?

Cette fois, elle réussit à retenir son hilarité, oui, un très beau jardin. Mais il ne semblait pas le voir…

Etait-il aveugle ? Il avait à l’instant ce regard que les victimes de son don avaient, non, il la reluquait, ses sens devaient donc être embrouillés par l’alcool. Nullement gênée de ce regard, elle le reluqua à son tour, le constat qu’il était plutôt pas mal lui vint à l’esprit au moment même où elle mordillait sa lèvre inférieur, qu’allait-elle lui faire ?

Il s’était rapproché, elle le laissa faire, n’esquivant aucun moment, le chat et la souris ?

D’accord mais elle voulait être la souris. Elle le détailla plus précisément, sa tenue plus que débraillée lui laissait apercevoir un torse plus qu’à son goût et lorsqu’il lui parla d’être plus que charmante, un sourire gourmant étira ses lèvres.

Elle n’était pas de femme à se laisser faire mais elle aimait les défis, le jeu du chat et de la souris… Anaël planta son regard dans le sien. Les frissons qui parcouraient sa peau, prémisse de son plaisir. Draguer, son plus grand plaisir se résumait à ce simple mot, le jeu de la séduction.

Oh elle avait bien conscience qu’il ne s’agissait pas là d’un de ses petits poissons, non, malgré l’alcool qui réduisaient ses capacités mentales, la sorcière se savait face à un gros poisson.

Cela n’en serait que plus intéressant.

Mais elle était sceptique quand à la manière dont elle devait agir, le jeune homme semblait colérique, on ne pouvait en douter vu l’état du jardin autour d’elle, était-il toujours ainsi ? Comment ne pas attiser sa fureur mais profiter tout de même de la situation ?

Légère comme le vent, elle se rapprocha de lui, ses doigts frôlèrent le torse et la clavicule découverte, présente mais pas envahissante. Ses doigts étaient des voyageurs, ils glissèrent sur la bouche du bel homme pour finir leur course dans une mèche rebelle au moment même où le corps tout entier de la jeune femme venait frôler le corps de sa proie.

Ainsi, elle avait entièrement accès à l’épaule et la mâchoire et sa bouche, pareille à ses doigts, frôlèrent la ligne de la mâchoire jusqu’au cœur de l’oreille. Et elle lui murmura, d’une voix séductrice, emplit de sous-entendue ce qu’elle estimait comme une fausse question.

« Et comment puis-je être charmante à vos yeux ? »

Anaël était là, si près de lui, presque sans défense. Il n’était pas Hunter, elle le savait, la réponse lui venait d’une intuition qui ne lui avait jamais fais défaut mais elle ne savait dire s’il était comme elle ou moins. Ainsi, sans défense en apparence, en apparence seulement car, à moins que le jeune homme ne soit un vampire, elle pouvait très bien se défendre, surtout avec son don.

Mais la situation était tout autre, elle ne faisait pas un signe de confiance en étant ainsi, le code inné du séducteur résonnait en elle, sa jambe frôlant la hanche du garçon était comme un hurlement, comme si de sa voix claire elle disait « J’ai fais le premier pas, montre-moi ce que tu as dans le ventre ! »

Ce n’était guère la première fois qu’elle se retrouvait face à quelqu’un comme elle, elle avait appris à reconnaitre les signes et ces distractions se révélaient souvent plus amusante que de draguer de beaux jeunes hommes épris sur lesquels elle exerçait un contrôle total.

Là, il s’agissait purement et simplement être plus malin, pas d’amour, ce sentiment était banni de son vocabulaire, le plaisir de la chasse.

Sa façon d’être était abrupte mais c’était cela qui lui plaisait, elle était pareille à un Hunter sanguinaire face au sang dès qu’il s’agissait d’une distraction plus qu’amusante. Exercé son pouvoir, c’était là une chose drôle mais la surprise n’était pas au rendez-vous, il manquait le piment du risque, l’incertitude quand à la décision de l’autre, flancher ou repousser.

Son souffle chaud était calme tout contre l’oreille du jeune homme mais son cœur battait un tambour, elle était toute entière à son jeu, aussi excitée qu’à la nouvelle d’une bataille avec un Hunter de son niveau, c’était un peu une autre bataille où les gagnants pouvaient se compter au nombre de deux.