Moon's Wings [PV Rosalie <3]

Peut-être fallait-il considérer Lucrèce-Nina Harmony comme folle.

Car, bien entendu, un Hunter de sa trempe n'avait vraiment rien à faire aussi près du quartier général des Sorciers sans raison apprente, n'est-ce pas? Sans raison apprente, en effet. Les mains négligemment enfoncées dans les poches d'un jean bien trop grand et trouée, Lucrèce-Nina cheminait doucement dans les ruelles de la partie Nord de la ville, sa guitare se balançant au rythme lent de ses pas chaloupés. L'allée pavée était déserte et la jeune femme, en parfaite position de vulnérabilité, aurait fait une cible parfaite pour un Soricer avide de la tête d'un Hunter. Qu'importe, cette idée effleura l'esprit de Lucrèce pour aller s'écraser contre un mur voisin. Elle savait se défendre, assomerait d'un bon coup son adversaire et irait jusqu'à son but. Les tours.

Oui, à présent, il fallait considérer Lucrèce-Nina Harmony comme folle.

La manieuse de faux s'arrêta un instant, sortit de la poche gauche de sa tunique verte son paquet de cigarette et jeta un coup d'oeil blasé à l'intérieur en soupirant. Elle extripa une des deux dernières cigarettes du paquet jaune et craqua une allumette.
* Il faudrait p'têtre que j'investisse dans un briquet * songea-t-elle tout en soufflant sur la fumée qui sortait d'entre ses lèvres.
Lucrèce reprit son chemin, tout aussi lentement, observa de droite et de gauche le triste paysage. Cette ville était tellement fade! Un bon coup de pinceaux sur les murs aurait été tellement plus gai! Peut-être même les couleurs auraient-elles pu apaiser les conflits violents entre Hunters et Sorciers.
La jeune femme effleura du bout des doigts le manche serti d'émeraudes de la Halconera et ferma un instant les yeux, sans s'arrêter.

Elle allait voir Rosalie Adams, la chef du clan sorcier.

Folle, et suicidaire.

Oui, folle et suicidaire, c'étaient bien les mots.

Oh, pas que Rosalie Adams soit justement ce genre de Sorcière à sauter sur le premier Hunter qui n'avait rien demandé qui passait. Pas vraiment. Elle était plus réfléchie que cela. Mais lorsqu'on était un Hunter et qu'on désirait rencontrer le chef de la rébellion du clan sorcier sans vouloir lui défoncer la tête, on était déjà bizarre. De plus, si ce dit Hunter voulait se rendre aux Tours pour cela, là, oui, il était carrément suicidaire. Allons bon, un peu de bon sens. La plupart des Sorciers résidant dans ces Tours avaient l'esprit échauffé par les changements qui prenaient forme. Beaucoup ne demandaient pas grand chose pour sauter toutes griffes dehors sur leurs ennemis naturels, raison valable ou non. Alors imaginez : si l'un d'entre eux voyait un Hunter s'approcher de leur base, ce dit Hunter était mort. Avant même de passer le seuil, à vrai dire. Donc oui, folle et suicidaire, c’étaient bien les mots.

Heureusement - ou pas, - la dite Hunter folle et suicidaire aurait peut-être la vie sauve aujourd’hui. Car elle n’aurait pas à aller jusqu’aux Tours pour rencontrer Rosalie. Puisque Rosalie venait à elle, par le plus grand des hasards.

Parfois, ou même souvent, Rosalie éprouvait le besoin d’échapper au bureau spacieux dans lequel elle créchait la plupart du temps, qui représentait toutes les responsabilités qu’elle devait dorénavant endosser, pour sortir dehors. Toute seule, de préférence, même si cela était loin de plaire à ses deux gardes attitrés qui montaient la garde devant sa porte, lorsqu’ils ne se faisaient pas relayés. Mais bon. N’étant pas franchement du genre à apprécier d’être collée constamment aux basques, la jeune Rosalie imposait donc tranquillement et sans détours sa volonté de solitude. Après, il ne restait plus qu’à s’incliner, vu que de toutes façons, rien ne la ferait jamais changer d’avis. Têtue ? Fort probable. Mais elle restait ouverte d’esprit avant tout.

Bref, la jeune fille sortit donc de la plus haute des Tours où elle logeait pour sortir à l’air libre.

Elle jeta un coup d’œil sur le ciel couvert plus par habitude que réelle nécessité - il ne faisait jamais très beau ici -, puis baissa les yeux pour fixer le chemin qui s’étendait devant elle. Au passage, elle croisa deux Sorciers, qu’elle aperçu dans les jardins et qu’elle salua d’un signe vague de la main, mais les laissa tranquilles. Elle continua sa route, s’éloignant un peu plus à chaque fois du bâtiment, s’enfonçant bientôt dans les ruelles du quartier nord - celui des Sorciers. Elle n’eut pas à aller très loin pour croiser une personne. En effet, une jeune femme, peut-être plus âgée qu’elle, arrivait en sens inverse, une cigarette dans le bec et les yeux fermés. Rosalie haussa un sourcil. D’abord parce que marcher les yeux fermés, ce n’était pas trop recommandé. Ensuite parce qu’elle ne reconnaissait pas cette fille. Elle ne pensait pas l’avoir déjà rencontrée. Ni même ne serait-ce que vue. Or, dans ces parages-ci, aussi près des Tours, ne traînaient évidemment que des Sorciers. La plupart du temps, du moins. Or, ici, Rosalie ne reconnaissait pas la jeune femme qui approchait à chaque pas.

Rosalie n’avait pas la prétention d’affirmer connaître chaque Sorcier et chaque Sorcière de la ville. Loin de là. Mais en bon chef qu’elle était, désireuse de bien faire, elle mettait ses capacités de mémoire pour retenir le visage de ses compatriotes. De ceux qui habitaient les Tours, surtout. Et elle mettrait sa main à couper que cette fille n’était pas Sorcière. Ou alors peut-être était-elle une nouvelle venue, allez savoir. Sinon, serait-elle une Autre enhardie, ce genre d’Autres aux idées aussi enflammées que dérisoires et qui trouvait un intérêt quelconque à venir défier ceux qu’ils considéraient comme des monstres ? Peut-être. Ce ne serait pas étonnant. Mais il restait encore une possibilité. Parce que si elle n’était ni Sorcière, ni Autre, et vu qu’elle ne risquait pas d’être un chat ( à moins qu‘elle ne soit mariée à un certain Mr.Chat ah ah), elle serait plutôt… une Hunter, tout simplement. Une Hunter qui chercherait les ennuis ? Ce serait bien la veine de Rose, alors qu’elle voulait justement un peu de tranquillité.

Mais pour le moment, la miss blonde n’en savait trop rien.
Toujours était-il qu’elle ne pouvait pas laisser cette inconnue continuer son chemin vers les Tours sans rien faire. Un instant, alors qu’elle s’approchait toujours d’un pas tranquille sans émettre le moindre son sinon celui de ses pas, elle pensa vaguement qu’il serait facile de l’attaquer par surprise, vu qu’elle avait les yeux sottement fermés. Sauf dans le cas qu’elle soit une Hunter, certes. Mais bon. Attaquer comme çà, ce ne serait peut-être pas la meilleure idée qui soit. Elle ne savait pas qui elle était, pas encore du moins, après tout. Pour le moment, il fallait juste l’arrêter. Ce que fit Rosalie, de la manière la plus simple qui soit.

Lorsqu’elle arriva à la hauteur de la jeune femme à la cigarette, la blondinette claqua des doigts pour signaler sa présence, les sourcils froncés, et sur un ton sec lâcha un simple :

- Stop.

Je ne sais pas vous, mais mine de rien, ce genre de manière de faire est vachement efficace. Oh, avec un sourire, ce serait peut-être mieux, mais vu qu’on était en plein Conflit, Rosalie ne risquait pas de relâcher sa garde si facilement. Ensuite, sans lui laisser le temps de répondre - à vrai dire, ce stop absolu ne quémandait aucune réplique, - la Sorcière enchaîna, sur le même ton tranchant qu’elle utilisait souvent dans ce genre de situations :

- Qui es-tu ?

Si Lucrèce avait fermé les yeux ainsi, il y avait bien entendu une raison. La jeune femme, malgré ses allures et ses convictions pacifistes, n'était pas stupide et pas faible pour autant. Son ouïe fine avait décelée à quelques dizaines de mètres de l'endroit où elle se tenait des bruits légers de pas. C'était qu'en sept ans de vie au grand air, surtout à Secrets Town, ses sens étaient décuplés. Et puis n'oublions pas qu'elle était un Hunter, qu'elle devait toujours être sur ses gardes: ça n'était pas parce qu'elle-même ne sautait pas sur le premier Sorcier qui passait que les autres l'imitait. Au contraire. Mais du coup, c'était bien plus souvent les chasseurs qui s'en prenaient aux possesseurs de Don et pas l'inverse. Néanmoins... l'atmosphère glaciale de la ville s'était encore refroidie et Lucrèce craignait le pire. Les Sorciers commencaient à s'agiter étrangement et dans la foretresse, ses camarades redoutait une rebellion bien plus sanglante que les autres batailles. Se renseigner en tout bien tout honneur, c'était ce que la jeune Hunteuse venait faire dans le quartier nord. Bien sûr, elle savait les risques de cette petite exursion. Mais comme dit précedemment, elle n'était pas faible et si on l'attaquait sérieusement, elle n'hésitait pas vraiment à assommer son adversaire. Pas le tuer, prendre la vie, Lucrèce-Nina avait cela en horreur. Du moment que le sang ne coulait pas, également...

Pour en revenir au moment présent, la manieuse de la Halconera avait donc entendu Rosalie approcher depuis un petit moment déjà. Sans savoir bien entendu qu'elle était Rosalie Adams, la jeune Sorcière qu'elle recherchait dans se territoire ennemi. C'est pour cela, qu'alertée par le son régulier des pas de la Sorcière, elle continua d'avancer en laissant le manche de sa faux à portée de main tout de même. On ne savait jamais.
Les petits cheveux sur sa nuque se hérissaient au fur et à mesure que son potentiel adversaire approchait. Malgré ses moeurs pacifiques, la jeune femme était Hunteuse presque avant d'être une fille, aussi, son instinct ne lui dictait rien de bien bon.
Lorsque Lucrèce estima la distance entre leurs deux corps à environ cinq mètres, elle put affirmer que la personne qui avançait vers elle était une femme. Ou du moins de sexe féminin.

Calmant les battements de son coeur -c'était que les yeux fermés, face à une Sorcière, un Hunteur était tout de même dans une position délicate!- Lucrèce-Nina feignit la surprise lorsqu'elle ouvrit vivement les yeux suite à un bruit sec près de sa personne (un claquement de doigts, très certainement) et à une voix sèche, et féminine.
Durant le court instant où les deux jeunes femmes se retrouvèrent face à face dans un silence de mort, Lucrèce esquissa un sourire amical et détailla celle qui lui tenait lieu de vis-à-vis. Pas très haute, blonde comme les blés, les yeux du même bleu océan que celui de son propre oeil droit. Un ensemble ravissant qui ne persuada pas vraiment la Hunteuse de son caractère innofensif. D'ailleurs, sa thèse fut à peu près confirmée par la question claire, nette et précise qu'elle lui posa d'une voix qui n'admettait pas qu'on élude sa question.

Lucrèce était quelqu'un de très honnête. Aussi, elle ne chercha pas à cacher son identité. Si c'était demandé aussi gentillement...

Sans se départir de son sourire, elle fit basculer tout doucement vers l'avant dans un mouvement parfaitement étudié la Halconera. Ainsi positionnée, la lame se trouvait entre les deux jeunes femmes, le sillon vers sa propriétaire. Cette position aurait pu paraître agressive pour la Sorcière, mais Lucrèce prit bien soin de relâcher son arme une fois l'opération effectuée.
Pour protéger la lame d'argent, la Hunteuse l'avait enroulée dans une bande blanche qui était posée à côté de la faux dans la Salle des Révélations. Ainsi, son nom gravée sur le métal gris et froid semblait remonter pour s'inscrire également sur le tissu blanc.

Tout ce manège pour prouver qu'elle n'allait pas mentir.

- Je m'appelle Lucrèce-Nina Harmony, je suis Hunteuse, dit-elle.
Je viens ici pour m'entretenir avec Rosalie Adams, c'est possible?
En toute paix, bien entendu, enchaîna-t-elle rapidement.

Pour ne pas rester en reste, et aussi parce qu'elle ne doutait pas un seul instant que son interlocutrice fut le chef du clan des Sorciers de part son âge -Lucrèce savait juste que la chef était une femme et qu'elle se nommait Adams-, elle demanda à son tour:

- Et toi, comment t'appelles-tu?

Il fallait bien savoir une chose: la jeune Hunteuse tutoyait tout le monde, jeune comme vieux, homme comme femme. Pourquoi? La raison en était simple: le vouvoiement lui paraissait si synonyme d'hypocrisie qu'elle préfarait ne pas l'employer, quitte à choquer certaines personnes avec qui elle dialoguait.

La jeune femme souriait.

Rosalie, non, par contre. Elle préférait continuer de fixer l’inconnue avec le même air, en attendant de voir sa réaction. Allait-elle se présenter ? Espérons que oui. Ce serait - peut-être - plus simple. Ou alors ce sourire cachait de plus sombres desseins, en quel cas cette fille lui sauterait probablement dessus. Qu’elle soit une Hunter ou une Autre, vu que ces derniers s’enhardissaient ces derniers temps, comme si les choses n’étaient pas assez compliquées comme cela. Bref, Rose attendait une réaction. Qui ne tarda pas. A vrai dire, Rosalie avait noté l’espèce de truc incurvé entouré d’une bande blanche dans le dos de la fille, mais ce fut seulement lorsqu’elle inclina la lame pour la placer entre elles deux qu’elle comprit que c’était une arme, et qu’en conséquent, cette fille était une Hunter. Alors, bien entendu, Rosalie se raidit sur place, prête à user de son Don au moindre geste suspect, ou même s’il le fallait de la dague qu’elle tenait accrochée à la ceinture depuis qu’elle avait eut l’idée du projet de défense à l’arme blanche.

Mais il n’y eut ni besoin de décharge électrique, ni de coup de dague effilée. Vu que la jeune femme qui s’avérait être Hunter relâcha son arme et finit tout simplement par se présenter, disant s’appeler Lucrèce-Nina Harmony, Hunter, et cherchant Rosalie Adams pour … « s’entretenir avec en toute paix ». Ah bah d’accord, on la lui avait pas encore faite celle-là. Alors soit cette fille poussait l’hypocrisie très lin avant d’attaquer, soit elle était sincère et c’était là une situation des plus étranges. Cette dénommée Lucrèce-Nina, était-elle au courant du Conflit des plus conflictuel qui opposait son clan au sien ? C’était bien la première fois qu’un Hunter osait venir jusqu’aux Tours pour demander à s’entretenir avec le chef de la rébellion, tout çà dans un esprit pacifique. Machination ou honnêteté ? Allez savoir. On verrait bien.

Pour le moment, la jeune femme retourna la question à Rosalie, en lui demandant son nom. La Sorcière blonde haussa un sourcil, et répondit d’abord, sur le même ton - ni vraiment agressif, ni vraiment amical :

- Rosalie Adams, justement.

Et oui. La Sorcière qui avait mis à plat ses idées de rébellion sans se cacher et qui était devenue chef de son clan, c’était elle. Aussi étrange que cela puisse paraître, vu son âge et son gabarit. C’était d’ailleurs parfois un avantage, de ne se pas se faire reconnaître lorsqu’elle allait se balader - qui pourrait croire qu’une gamine pareille serait la fameuse Rosalie Adams ? Mais bon. Elle n’allait pas vivre éternellement cachée non plus, et ce n’était pas parce qu’elle n’était pas un tas de muscle doublée d’une brute épaisse qu’elle n’était pas crainte. Mais passons.

Aainsi cette Hunter voulait s’entretenir avec elle ? De manière la plus pacifique qui soit ? Vraiment ? Et à quel sujet ? Voilà qui était intriguant et… difficile à croire. Mais après tout, pourquoi pas ? Il fallait de tout pour faire un monde, comme on disait. Et puis, autant vérifier, maintenant. Il faudrait juste rester sur ses gardes, tout de même. Bref, Rosalie fronça une nouvelle fois légèrement les sourcils, puis remarqua sur un ton où perçait une légère touche d’ironie :

- Un Hunter qui désire s‘entretenir avec un Sorcier en paix ? Voilà qui est étonnant.

N’est-ce pas ? Posant une main sur sa hanche et laissant l‘autre le long du corps - pour la lever en première en cas d’attaque, comprenez, - la jeune fille ajouta, abandonnant toute réflexion ironique :

- D‘accord, j‘écoute.

Oui, Rosalie n’était pas du genre à lancer un « Je m’en fous » absolu - seulement dans certaine situations, disons, - elle était donc parfaitement capable d’écouter ce qu’on avait à lui dire. Dans une certaine mesure, du moins.

Chose rare, Lucrèce fut totalement décontenancée. Cette frêle jeune femme, Rosalie Adams? Eh bien, la Hunteuse la voyait beaucoup plus... mûre. Oh, elle l'était peut-être! Sûrement même, pour parvenir à effrayer un peu les chasseurs, mais Lucrèce la voyait plus âgée. Car cette fille ne devait pas être plus vieille qu'elle, voire bien plus jeune. Quatorze, quinze ans? Mais la jeune femme avait appris à ne pas se fier aux apprences et cette Sorcière était des plus ambigüe, de son point de vue. Néanmoins, elle ne pensait absolument pas que la blonde qui se tenait sous ses yeux pouvait être la chef des Sorciers.

Mais, s'il en était ainsi, soit.

La seconde chose qui perturba un peu Lucrèce fut le ton de la jeune fille. Certes, elles étaient sensées être ennemies jurées, Soricère et Hunteuse, mais la manieuse de la Halconera avait bien précisé qu'elle venait dans le quartier sud en paix. Mais Rosalie ne semblait pas plus amicale qu'avant de connaître l'identité de la jeune femme.

C'est pourquoi Lucrèce ne put lâcher qu'un "Ah." relativement perplexe lorsque son interlocutrice se présenta à son tour. Elle qui avait pourtant toujours quelque chose à dire en avait eu la parole coupée.
Mais elle se reprit bien vite et mis les mains dans ses poches. Geste très peu intelligent, c'était certain. Car si Rosalie décidait d'attaquer pour une raison x ou y, eh bien il y avait fort à parier que Lucrèce serait réduite en morceaux avant même d'avoir pu sortir le petit doigt de son jean. Il y avait une rumeur qui disait que la chef du clan sorcier maniait l'électricité ou quelque chose dans ce ton là. Or, la jeune Hunteuse ne connaissait pas grand chose qui allait plus vite que la foudre.

Elle serait grillée à point.

La Sorcière reprit la parole, cette fois d'un ton bien plus ironique. Si les sourcils de cette dernière était légèrement froncés, ceux de la Hunteuse s'arquèrent presque d'étonnement. Visiblement, il n'était pas vraiment courant que les Sorciers et leurs tueurs discutent calmement. Qu'à cela ne tienne! Lucrèce allait changer les choses!
Bien que l'invitation de Rosalie à parler était apparemment dénuée de tout intérêt, la jeune femme expliqua tout de même la raison de sa venue dans ce lieu.

- Il paraîtrait qu'une Sorcière du nom de Rosalie Adams a décidé de faire sortir le clan des Sorciers de son silence et de monter une rebellion pure et dure contre les Hunters. Je voulais simplement m'entendre confirmer cette rumeur de la bouche de Rosalie elle-même. Toi, en l'occurence.

Lucrèce fit une légère pause pour écouter potentiellement une quelconque réaction de la part de la Soricère et reprit, comme pour justifier ces paroles:

- Je ne suis pas le genre de Hunteuse qui tue par plaisir, ni même pour l'argent. Je le fais uniquement pour survivre. Mais survivre en me nourrissant de la vie d'autres êtres humains, je trouve cela vraiment horrible. Mais les Hunters sont ceux qui m'ont élevés. Donc si tu comptes t'en prendre aux Hunters, sâche que je te comprendrais facilement, mais je resterais peut-être pas sans rien faire.

Cette dernière affirmation était tout ce qu'il y avait de moins sûr. Lucrèce risquait bien plus de rester bras ballants entre les deux camps, ne pouvant se résoudre à faire ce que d'autres Hunters feraient à sa place ni à encourager ceux qui en voulaient -à juste titre!- à son clan.

Sur ce point, elle était assez incertaine.

R

osalie ne sourcilla même pas face au ton perplexe que laissa entendre son interlocutrice lorsqu'elle annonça le plus simplement du monde que c'était elle, Rosalie Adams, la personne qu'elle cherchait. A vrai dire, la jeune fille aux longs cheveux d'or ne se souciait même plus des réactions que pouvaient adopter ses vis-à-vis lorsqu'ils découvraient le visage de celle qui avait fait éclater la rébellion au grand jour. Oui, c'était sûr, on ne s'attendait pas forcément à qu'une personne qui mène les autres à se rebeller paraisse si jeune et si frêle. Mais c'était ainsi. Et ils devraient bien tous finir par s'y habituer, un jour ou l'autre. Cela, ce n'était pas le problème de Rosalie.

En tous les cas, la jeune femme Hunter que la Sorcière avait en face d'elle semblait des plus singulières. Allons bon, qui de nos jours se risquait à mettre les mains dans les poches lorsque son ennemi naturel se trouvait à quelques centimètres de vous ? On se le demandait. Toujours est-il que Rosalie arqua de nouveau un sourcil, décidemment intriguée par le comportement de son interlocutrice. Mais elle n'eut pas à s'attarder sur sa posture, car rapidement, la dénommée Lucrèce-Nina prit la parole :

- Il paraîtrait qu'une Sorcière du nom de Rosalie Adams a décidé de faire sortir le clan des Sorciers de son silence et de monter une rébellion pure et dure contre les Hunters. Je voulais simplement m'entendre confirmer cette rumeur de la bouche de Rosalie elle-même. Toi, en l'occurrence.

Sur le coup, la jeune fille blonde ne fit que cligner plusieurs fois des paupières, sans prononcer un mot et sans esquisser le moindre autre geste. Pardon ? Et bien, elle avait un certain culot, cette fille. Ou peut-être était-ce simplement de l'inconscience. Ou de la stupidité. Peut-être était-ce un peu des trois à la fois, allez savoir. Mais là n'était pas le plus important. Depuis quand un Hunter venait-il se planter devant un Sorcier pour lui demander de confirmer une rumeur ? Pour un peu, Rosalie aurait éclaté de rire - ironiquement, certes, mais rit tout de même. Mais oui bien sûr, elle allait répondre à toutes les questions que cette Hunter pouvait se poser, pas de problèmes. Et elle voulait peut-être une sucette ou un bonbon, pendant qu’on y était ? Incroyable. Cependant, il n’était guère utile de s’énerver ou de laisser libre cours à son incrédulité, vu que de toutes façons, la rumeur dont Lucrèce parlait était maintenant presque connue de tous. Et ils finiraient bien par se rendre très vite compte que cette rumeur était vraie, si ce n’était pas déjà fait. Mais bref, tout cela pour dire qu’il n’y avait aucun risque à répondre à cette singulière jeune femme, pour cette question du moins. Ou répondre d’une certaine façon du moins. En inclinant légèrement la tête du côté, par exemple, un sourcil haussé, et en répondant par une autre question :

- Et si c’était le cas ?

La réponse, ou la suite du court discours de la jeune femme, ne se fit guère attendre.

- Je ne suis pas le genre de Hunteuse qui tue par plaisir, ni même pour l'argent. Je le fais uniquement pour survivre. Mais survivre en me nourrissant de la vie d'autres êtres humains, je trouve cela vraiment horrible. Mais les Hunters sont ceux qui m'ont élevés. Donc si tu comptes t'en prendre aux Hunters, sache que je te comprendrais facilement, mais je resterais peut-être pas sans rien faire.

De nouveau, Rosalie resta un instant silencieuse, conservant toujours la même expression typiquement Rosalienne sur son fin visage. Enfin, Rosalienne face à Hunter, précisons-le. Mais bref. Oh, la jeune chef voulait bien croire sa vis-à-vis lorsqu’elle lui disait que survivre en se nourrissant de la vie des autres être humains était vraiment horrible. Certes. Une guerre n’était jamais jolie à voir et à supporter. Sauf peut-être pour quelques cinglés, allez savoir. Mais c’était la vie. Ou plutôt, c’était la vie à Secrets Town. Ce Conflit qui opposait Hunters et Sorciers durait depuis des décennies et des décennies, même des siècles. Il ne risquait pas de prendre fin de si tôt si facilement. Et Rosalie ne comptait pas rester là les bras ballants, comme la plupart des autres Sorciers avaient fait il fut un temps. Beaucoup d’autres de ses compagnons ne comptaient pas non plus rester là sans rien faire. D’où le principe d’une rébellion, vous me direz. Certes. Tout cela pour dire que dans l’esprit de Rosalie, il n’y avait pas de place pour ce genre de réflexions. Pas ici, pas dans cette ville, pas dans cette vie, en tous les cas. Même si c’était horrible, c’était comme çà. Il n’y avait rien à redire là-dessus.

Seulement, ce qui demandait peut-être plus une réaction, c’étaient les dernières paroles de la jeune femme à la faux. Si Rosalie comptait s’en prendre aux Hunters, cette miss comprendrait mais ne resterait peut-être pas sans rien faire ? Allons bon, cela, c’était drôle. Cette Hunter venait juste pour lui dire

? Sérieusement ? D’accord, on voyait de tout maintenant. Toujours avec ce même air d’incrédulité mêlé à un certain mépris simplement dû au fait que Lucrèce soit du clan Hunter, Rosalie répliqua :

- Vraiment ? Je t’en prie, laisse-moi rire.

Ce qui était une manière comme une autre de dire qu’elle s’en moquait, vu qu’elle n’avait aucune envie de rire, sauf peut-être de manière fort moqueuse. Et encore, ce n’était pas trop son genre. Bref, elle ne rit pas du tout, notre Rosalie, mais se contenta de secouer la tête et une partie de ses cheveux par la même occasion, avant de relever son visage et de fixer ses yeux bleus sur sa vis-à-vis.

- Et ? Tu es juste venue pour me dire çà, Hunteuse ? Car si c‘est le cas, on peut dire que tu ne fais que perdre ton temps. Et le mien, par la même occasion.

Direct et concis, tout simplement.
On n’allait pas non plus lui demander d’être gentille et niaise, après tout.

C'étaient des mots durs à l'oreille de Lucrèce. Qui aimait que l'on mette en doute -pour la énième fois- sa gentillesse et son pacifisme exaspéré? Certainement pas la jeune Hunteuse. C'est pourquoi, à la réflexion acerbe de Rosalie, la jeune femme ne put que conserver ce sourire blessé qu'elle avait depuis la première remarque de la Sorcière. C'est vrai: qu'espérait-elle? Nous étions en guerre... Elle était -sans être ce qui gênait réellement- un cheveu sur la soupe, la fausse note dans l'équation de Drylen. Pas la seule néanmoins. C'était que les Hunters devaient être de bien piètres musiciens...
Et dire que Lucrèce se servait de la musique pour apaiser les moeurs...
A vrai dire, il était normal de Rosalie ne veuille point lui confirmer cette rumeur. Il en allait de l'effet de surprise qu'elle avait sûrement prévu. Mais ce qui était fortement dommage, c'était que la plupart des membres du clan de Lucrèce était au courant de l'insurrection qui se préparait dans les Tours du quartier nord.

Mais Lucrèce était fort déçue. Elle avait au moins escompté que la jeune fille qui lui faisait face la prendrait au sérieux. Car en ce moment même, la Hunteuse jouait presque avec sa vie. Comme toujours me direz-vous mais là, il ne s'agissait pas d'un quelconque sbire de Rosalie Adams. C'était avec Rosalie Adams elle-même que la jeune femme cherchait à converser. Sans grand succès apparemment.

Alors qu'elle allait à nouveau ouvrir la bouche pour prendre congé de cette jeune blonde au regard méprisant -il était certain que cette fille réussirait dans la vie, par n'importe quel moyen que ça soit- celle-ci reprit d'un ton froid après avoir fouetté l'air de ses longues mèches de cheveux:

- Et ? Tu es juste venue pour me dire çà, Hunteuse ? Car si c‘est le cas, on peut dire que tu ne fais que perdre ton temps. Et le mien, par la même occasion.

N'était-ce pas un excellent moyen pour Lucrèce de sortir de scène?
Mais après les paroles de sa vis-à-vis, ça n'était plus le dessein de la jeune femme.

D'un geste souple et calculé, elle sortit les mains de ses poches et fit repasser la Halconera lame dans son dos. Tout en esquissant un vague signe d'adieu du bout des doigt à l'intention de Rosalie, elle s'engagea à nouveau dans la ruelle, en direction des Tours. La chef du clan sorcier ne manquerait pas de l'arrêter, songea-t-elle. C'est pourquoi, naturellement, ses pas la menèrent vers un banc de bois posé sur le bord du chemin, alors que sa cigarette allait reprendre sa place d'origine, entre ses lèvres.
Le tout s'était déroulé en moins de trente secondes et, si Rosalie avait bougé, elle n'était toujours qu'à quelques mètres de la Hunteuse.
Sans s'asseoir -car sa longue faux l'en empêchait- Lucrèce se retourna vers la Sorcière et lança, un air grave qui ne lui allait décidemment pas peint sur le visage.

- Tu parles de ton temps que je te fais perdre. Mais prend garde à ce que ton si précieux temps ne soit quelque peu écourté.

La jeune femme fit une légère pause, le temps de souffler un joli nuage de fumée dans l'atmosphère de Secrets Town.

- Je suppose que tu n'es pas sans savoir que ta tête, ou plutôt ton corps est mis à prix par le chef du clan hunteur. Si jamais on apprend que je suis venu te voir sans essayer de te ramener vivante au quartier général, je me ferais très certainement exécuter.

C'était une affirmation on ne peut plus vraie et Lucrèce n'avait aucunement l'envie de capturer Rosalie. Et puis, la jeune fille devait être déjà au courant de cette annonce: il y'avait toujours quelque abruti comme elle pour le dire à n'importe qui.

Rosalie observa la jeune femme glisser son arme dans son dos et tourner les talons, sans bouger. Et bien quoi ? Cette Hunteuse comptait s‘en aller comme cela, ni plus ni moins ? Voilà un drôle d‘énergumène, c‘était certain. A vrai dire, notre blondinette, à cet instant, se demandait si cela valait vraiment le coup de l‘arrêter, pour lui demander des comptes. Mais laisser traîner un représentant du clan Hunter près des Tours, ce n‘était pas ce qu‘on pourrait appeler un acte raisonnable. En lui demandant aimablement ou en la traînant dans la poussière, Rosalie la ferait s‘éloigner des lieux. A moins que la jeune femme en avait l‘intention, en quel cas tout serait bien plus simple. Mais la dénommée Lucrèce ne semblait pas en avoir fini là, en fin de compte, vu qu‘elle s‘arrêta quelques mètres plus loin, près d‘un banc, pour se retourner une nouvelle fois et lancer :

- Tu parles de ton temps que je te fais perdre. Mais prend garde à ce que ton si précieux temps ne soit quelque peu écourté.

Hin.

Des menaces ? Ou un avertissement, peut-être ? Allez savoir. A vrai dire, Rosalie s‘en fichait bien pour le moment. Elle se contenta d‘hausser pour la énième fois un sourcil, mais sans se rapprocher d‘un seul pas. A vrai dire, surtout parce que cela sonnait un peu comme une fin de conversation. Après, que cette Hunteuse lui dise cela pour la menacer ou l‘avertir, cela ne changeait pas grand-chose aux faits. De toute façons il était évident que dans cette ville, le précieux temps de chacun pourrait être écourté bien vite, dans un souffle, sans que personne ne s‘en rende compte. C‘était le principe même d‘une guerre, vous me direz. Rosalie ne répondit donc pas à cette mise en garde, et se contenta de fixer son interlocutrice alors qu‘elle soufflait un nuage de fumée, avant de continuer :

- Je suppose que tu n'es pas sans savoir que ta tête, ou plutôt ton corps est mis à prix par le chef du clan hunteur. Si jamais on apprend que je suis venu te voir sans essayer de te ramener vivante au quartier général, je me ferais très certainement exécuter.

Certes.

Rosalie n‘était pas sans savoir que certaines personnes voudraient bien la voir finir six pieds sous terre plus tôt que prévu initialement, histoire de faire faire machine arrière à l‘engrenage déjà démarré. Elle n‘était pas cependant au courant, mot à mot, que le chef du clan Hunter avait mis sa tête à prix, mais ce n‘était pas comme si c‘était véritablement surprenant. Elle s‘y était attendu, tout de même, elle n‘était pas si sotte. Au moins, elle le savait, dorénavant. Il faudrait agir en conséquent, voilà tout. Oh, notre jeune Sorcière n‘irait pas pour autant se calfeutrer en sécurité dans son bureau, au tout dernier étage de la plus haute des Tours, loin de là. Si elle aurait été une personne plus effrayée que cela par la mort ou la douleur, elle l’aurait certainement fait, mais comme ce n’était pas le cas, elle ne le ferait pas. Que ce soit mieux ou pas pour les autres. Mais passons.

Aucune autre expression ne passa sur le visage de Rosalie, alors qu‘elle se contentait de répondre un simple :

- Je vois...

Lucrèce essayait-elle peut-être d’expliquer par là qu’elle n’allait pas essayer de la ramener chez les Hunters, pour obéir aux ordres de ce qui leur servait de chef ? Peut-être bien. Après tout, pourquoi pas. Tous les habitants de la ville ne s’étaient pas tous forcément choisis un camp bien défini. On voyait de tout, Rosalie le savait très bien. Elle n’en baissa pas sa garde pour autant, comme toujours maintenant qu’elle sortait et qu’elle croisait des Hunters ou toute personne hostile, et comme elle le ferait au mieux pendant un temps encore. Après tout, faire confiance à un Hunter, on ne pouvait pas le faire du jour au lendemain quand on était Sorcier. Ou du moins quand on était le chef. Mais bon. Mieux valait encore s‘en assurer, histoire de jouer cartes sur table. Ou de dire quelques mots avant de prendre congé.

Rosalie, toujours sans bouger, mais suffisamment audible pour que Lucrèce puisse parfaitement entendre ce qu‘elle avait à dire, reprit donc la parole, pour dire, sur un ton plat, sans animosité ni ironie cette fois :

- Très bien. Je ne crierais pas sur les toits que tu n‘as pas essayé de me ramener à votre Quartier Général comme vous le demande votre chef, de toutes façons. A moins que tu veuilles tout de même tenter le coup. Sinon, et si tu n‘as plus rien à me dire d‘autre, je te prierais de m‘excuser, mais je vais m‘en aller.

Après une très courte pause, elle ajouta :

- Et tu devrais en faire de même. Un Hunter près des Tours, ce n‘est pas forcément très bien vu.

Cà ne l‘était pas tout court, même.
Mais cela, tout le monde le savait.

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