~Dean, ô mon cher Dean, dis-moi qui est le Chef?~

Une fois n'est pas coutume, Drylen s'ennuyait. Enfin, si on pouvait dire que fumer une cigarette tout en contemplant la mer était ennuyant, bien entendu. Si certains trouvaient ce calme reposant, le Chef des Hunters lui n'y trouvait rien de bien excitant. Or, la vie devait être excitante d'un bout à l'autre, selon lui. Les maîtres mots? Boire, baiser, buter. Quand il n'avait personne à provoquer sous la main, quand la réserve de saké avait été confisquée et quand, la ville était si calme en pleine journée, impossible de pratiquer ces activités sans s'attirer des ennuis. Il y avait peut être une once de sérieux chez le Hunter, que voulez-vous que je vous dise...

Il se leva et entreprit de faire les cents pas dans la pièce. Le bureau était un endroit plutôt vaste et meublé de façon aussi riche que sobre. Une grande baie vitrée qui donnait vue sur la mer, vue à laquelle il tournait le dos une fois assis sur son siège, puisque son bureau faisait face à la porte. D'un côté, il y avait un canapés, des fauteuils et une table basse, utiles lorsqu'il s'agissait de se détendre. De l'autre, il y avait la grande table de réunion, évidemment. Mobilier en crème et bois, couleurs bien trop claires et sobres selon le Hunter. Cependant, il n'avais pas vraiment la possibilité de changer cela à sa guise. Il vivait déjà dans un certain luxe, me direz-vous. Toutefois, il ne pouvait pas s'empêcher de se plaindre. Râleur de nature, il fallait le dire.

-Dean a trois minutes pour se ramener avec une bouteille ou je ne sais quoi, sinon, je le décapite la prochaine fois qu'il passe la porte,

grogna Drylen pour lui même.

Dean, son bras droit. Responsable de tous ses maux, il fallait l'avouer, avec ses silences éloquents, ses "Conssommez avec modération, chef" et autres répliques toutes aussi emmerdantes les unes que les autres. Bientôt, il lui dirait avec qui coucher ou pas. Ce serait du beau, tiens. Drylen était certain que, si son bras droit prenait un peu plus de bon temps, il irait beaucoup mieux. Et lui par la même occasion, n'est ce pas? Il se promit donc un jour, qu'il le trainerait dans un bordel. Pire, il lui ordonnerait d'y aller. Peut être en lui suggérant d'enquêter?

Un sourire diabolique se dessina que les lèvres de Drylen. L'idée semblait lui plaire. Oui, nous pouvons plaindre ce pauvre Dean, tout de même. Quoi qu'il en soit, le chef des Hunters se demandait à présent comment écraser une fois pour toute la rébellion chez les Possesseurs de Dons. Peut être que tuer les personne qui leur avait entré ces sales idées dans la tête serait une bonne chose. D'ailleurs, il était possible que cette dernière, une gamine du nom de Rosalie Adams, ait simplement manipulé les siens à l'aide de ses dons.Voilà qui expliquerait cette effervescence. Il enverrait quelqu'un se renseigner sur le sujet.

Vivement que la nuit arrive, qu'il puisse prendre l'air sans terrifier les Autres et attraper quelques uns de ses Possesseurs de Dons. Faire couler le sang restait un de ses passe temps préféré n'est ce pas? Hinhinhin.
Allons Buter les petits montres...
Déjà, ses mains trouvèrent son katana. Il avait hâte, vraiment hâte.

Que Dean se dépêche, avant que son chef adoré décide de tout mettre à sac et de se défouler sur dieu sait quoi... Ou dieu sait qui.

Heureusement pour le pauvre mobilier ou pour toute personne vivant à proximité, Dean arriva dans la seconde qui suivit. Encore un peu plus, et le bureau aurait certainement été réduit en pièce... Le bureau ou lui-même, vous me direz. Parce que mine de rien, c'était un sacré boulot d'être le bras droit de Drylen d'Al Kersen. Il fallait être en possession d’une sacré force morale et de quelque réflexes de bases - pour éviter les coups de katana notamment. Mais bon. C’était ainsi. Dean en avait prit son parti. Et puis sans lui, que pourrait donc bien faire ce cher chef, hein ? Oui, vous avez raison… Tout fracasser sans s’arrêter. Peut-être qu’il y avait du bon en la présence d’un bras droit au côté du nouveau chef des Hunters. Histoire d’éviter que tout parte en vrille un peu trop facilement.

Cet après-midi là, Dean était sorti.

Souvent, de sa propre initiative, il allait se balader. C’était toujours pendant ce genre de promenades qu’on récoltait le plus d’informations, mine de rien. Et puis, toutes ces agitations du côté des Possesseurs de Dons méritaient d’être surveillées. Qu’avaient-ils donc tous à s’agiter au grand jour, maintenant, ceux-là ? Bon, d’un côté, le jeune homme les comprenait un peu. A vrai dire, il était juste surpris que ces Sorciers ne se soient tout simplement pas réveillés plus tôt. Parce que, pour attendre qu’une gamine vienne clamer ses idées de rébellion haut et fort lors des conseils avant de se rendre compte qu’il était peut-être temps de se battre, franchement, c’était assez pathétique. Du point de vue de Dean, du moins. Il fallait dire qu’il jugeait beaucoup de choses « pathétiques » , aussi. Hum. Mais là n’est pas la question.

Lors de sa petite escapade solitaire, le jeune Hunter n’avait pas apprit grand-chose. Comme beaucoup d’autres, il savait juste que la rébellion était dirigée par une certaine Rosalie Adams, une gamine. Et qu’il n’y avait pas mal de Sorciers près à en découdre. Mais pour les informations plus précises, il faudrait faire des recherches plus poussées. Et pour cela, c’était au chef de donner les ordres. Evidemment. Sans hiérarchie, tout partirait en cacahuète. Il n’y avait qu’à regarder le système dans lequel vivait les Possesseurs de Dons jusque là, par exemple.

Le jeune homme prit donc le chemin du retour.

Il vivait à la Forteresse, évidemment, comme beaucoup d’autres Hunters. Il connaissait le chemin par cœur, depuis la toute première fois qu’il l’avait parcouru. Et entre les murs de l’édifice également, il connaissait le chemin qui menait au bureau du chef comme sa poche. Normal, pour un bras droit, vous me direz. Mais Dean était quelqu'un d’intelligent et de prévenant. Et oui. Avant de se rendre chez son chef, donc, il passa par les cuisines. Pour y faire quoi ? Mais voyons, c’est évident, pour récupérer une bouteille de saké. Parce que voyez-vous, il savait que ce cher Drylen était seul dans son bureau et donc, qu’en conséquence, il devait s’ennuyer. Et çà, ce n’était pas bon. Parce qu’à force de s’ennuyer, ce cher chef commençait à s’énerver, et quand il s’énervait, mieux valait ne pas passer la porte si on tenait à sa tête. Sauf si vous teniez une bouteille de saké. Ingénieux, n’est-ce pas ?

Bref, Dean, armé d’une bouteille de saké, monta les étages jusqu’au bureau du chef. Arrivé devant la porte, il toqua trois coups et entra sans attendre d’y être invité. En mettant bien en évidence la bouteille de saké qu’il tenait, naturellement. Puis s’arrêtant et notant les mains de Drylen posées sur son adorable katana, Dean haussa un sourcil.

- Je croyais vous avoir déjà dit qu’il serait fort mal venu de massacrer ce bureau par excès d’impatience, chef.

Sa voix était posée, comme toujours, et teintée d’une très légère ironie naturelle.
Il s’approcha pour donner la bouteille de saké à l’autre jeune homme sans faire de commentaires, puis s’approcha de la baie vitrée. Mine de rien, la vue valait le détour, dans cette pièce. La mer était belle et s’étendait jusqu’à l‘horizon. Mais comme on pouvait s’en douter, ce n’était pas franchement ce genre de détails qui importaient au chef des Hunters, n’est-ce pas ?

Le premier réflexe de Drylen fut de vouloir décapiter son bras droit. Deux choses l'en empêchèrent cependant. Tout d'abord, il aurait été bien bête de prendre des risques inutiles pour la bouteille, ô combien précieuse de saké. Ensuite, il devait avouer que les trois minutes ne s'étaient pas écoulées -bien qu'il n'y aurait pas pensé si l'alcool n'avait pas été là, mais passons. Tout ce qui importait, c'était que personne n'eut perdu de morceau par inadvertance, n'est ce pas?

- Je croyais vous avoir déjà dit qu’il serait fort mal venu de massacrer ce bureau par excès d’impatience, chef.

Ben voyons. Voilà qu'il commençait à lui rabâcher les oreilles avec ses conneries, celui là. Non, mais, s'il voulait massacrer son bureau, il n'avait qu'à le faire et puis c'est tout! Ce n'était pas comme si Dean dormait ici, non? Il manquerait plus que ça, que ça devienne sa piaule... Non, vraiment, il devrait le faire défrustrer, le pauvre petit. Sûrement était-il puceau? Un sourire malsain se dessina sur le visage de Drylen, effrayant pour tout dire. Enfin, Dean avait l'habitude, hein.

- Aucun intérêt à massacrer un bureau, Dean. La chair, le sang, c'est tout ce que mon katana réclame.

Oh, bien sûr, il parlait de sang de Possesseurs de Dons. Un sang autre ne le dérangerait pas plus que ça, bien sûr, mais l'éducation qui l'avait reçu et son sens -léger- de la justice faisait qu'il ne pourrait pas s'y résoudre. Enfin. Drylen restait un être compliqué, dont la vie était mené par des lois que lui même ignorait. Tout ce qu'il y avait à savoir, pour le moment, c'était que seuls les sorciers et sorcières devaient le craindre. Les autres pouvaient toujours se méfier, mais s'ils ne le cherchaient pas outre mesure, ils devraient rester en un seul morceau, et en vie.

Il poussa un bref soupir avant de s'avancer vers le canapé de son bureau. Enfin, une pause, ce n'était pas trop tôt. Il était simplement vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise blanche -couleur qui ne correspondait absolument pas à sa personnalité- qui faisait ressortir avec une grâce sauvage sa musculature et le attraits de sa silhouette. Hm... Tout cela mériterait une descente en ville.

Conscient qu'il ne risquait rien en ses lieux, il laissa son katana sur la table basse et se laissa tomber sur un fauteuil. Il s'adressa ensuite à son bras droit, qu'il considérait, parfois comme son serviteur. Oui, que voulez vous, du point de vue de Drylen, tous n'étaient que ses serviteurs dévoués. Ils ne servaient à rien d'autre de toute manière. Ne nous emballons pas pour si peu cependant, il éprouvait tout de même une certaine sympathie pour Dean.

- Allons, installe toi. Et fait péter le saké.

Oui, le saké, ne l'oublions surtout pas. Ce serait vraiment dommage... S'il éprouvait de la sympathie pour Dean, son amour immodéré pour les vices en tout genre était bien plus présent, croyez moi. Attendant patiemment qu'on le serve, il poursuivit, sur un ton goguenard qui seyait fort bien à son expression du moment, un sourire assez dérangeant et grivois.

- En parlant de mon impatience, ou diable étais-tu encore passé? Me cacherais-tu une quelconque aventure de peur que je touche à ta bien aimée, ou bien, te renseignais-tu sur ces créatures?

S'il s'intéressait au boulot que faisait Dean? Un peu. Notre ami possédait un léger sens des responsabilités tout de même. Encore heureux, me direz-vous, sinon, il aurait été totalement inconscient de le nommer chef des Hunters. Il ne pouvait s'empêcher, cependant, de se distraire. Pas de situation critique ou follement intéressante, donc pas de sérieux nécessaire. Je me demande, tout de même, comment Dean faisait pour supporter cela.

Oui, je me le demande souvent, moi aussi…

- Aucun intérêt à massacrer un bureau, Dean. La chair, le sang, c'est tout ce que mon katana réclame.

… Certes.

Dean n’en doutait pas une seule seconde. A force, il allait finir par le savoir. Imperturbable face au sourire drylenesque qui se dessina sur le visage du chef - cela aussi, il en avait prit l’habitude -, Dean se détourna de la baie vitrée du bureau pour aller sortir un verre. Oh, ce genre de tâches ingrates, il allait aussi finir par s’y habituer. Et puis, en vérité, servir du saké à ce cher Drylen, c’était même plutôt un travail à part entière, voyez-vous. Parce que ce dernier était tellement attaché à cet alcool qu’il valait mieux éviter de refuser de lui en donner. Oh, certes, notre cher bras droit savait menacer l’autre jeune homme de confisquer les bouteilles, quand il le voulait, il ne fallait pas dire. Mais pour le moment, il n’en voyait pas l’intérêt. Très pragmatique, ce cher second.

Il tendit le verre qu’il avait rempli au chef des Hunters, puis il s’installa à son tour plus confortablement. Sans se servir à boire, naturellement. Dean n’était pas du genre à préférer des jus d‘oranges à l‘alcool, loin de là, mais il savait qu’il ne le tenait pas très bien. Oh, un verre, çà allait. Deux, peut-être, à la limite. Et après, çà partait en vrille. Ce n’était arrivé qu’à de rares occasions dans la vie du jeune homme, et il ne comptait pas retenter l’expérience de si tôt. Il était bras droit, après tout. Et un second complètement saoul, ce ne serait pas franchement très sérieux. Certes amusant, mais pas sérieux. Puis je ne vous explique même pas le mal de tête affreux qu’il se tapait le lendemain… Bref, Dean évitait donc de toucher à l’alcool quand il le pouvait.

- En parlant de mon impatience, ou diable étais-tu encore passé? Me cacherais-tu une quelconque aventure de peur que je touche à ta bien aimée, ou bien, te renseignais-tu sur ces créatures?

Cacher une quelconque aventure… La belle affaire.

Comme si Dean avait le temps pour ce genre de choses, avec le boulot qu’il devait assurer ici - vous vous rappelez, servir du saké, éviter de se faire trancher la tête, tenter de conserver le bureau en état… Mais si jamais le jeune homme devait entamer une hypothétique relation avec une jeune fille dans le futur, il se demandait effectivement s’il l’avouerait ou pas. Oh, il ne le crierait pas sur les toits, certes, mais il supposait que si on le lui demandait, il répondrait avec honnêteté. Quoique… S’il devrait en conséquent supporter des remarques supplémentaires et mal placées de la part de ce cher Drylen, c’était à réfléchir. Mais bref.

Haussant une nouvelle fois un sourcil, Dean répliqua de sa voix tranquille :

- A votre avis ?

Et oui, comme je l‘avait déjà dit plus haut, notre jeune Hunter était effectivement parti se renseigner - légèrement, il fallait le dire. Juste histoire de prendre l‘air. Et peut-être d‘abattre un Possesseur de Don au passage, peut-être. Il n‘avait cependant pas eut la chance d‘en croiser un. Ce serait donc remis à plus tard.

Posant le coude sur l‘accoudoir du fauteuil, la main contre la joue et l‘air blasé, Dean reprit :

- Ce sont toujours les mêmes choses qui se disent en ville. La rébellion a l’air de prendre forme dans un certain secret, notamment concernant les membres ou les postes importants. Adams aurait un second à ses côtés, semblerait-il. Ce ne serait pas très étonnant, mais il faut dire que ce qu’il se raconte parfois chez les Autres n’est pas très fiable.

Le mieux serait peut-être de s’approcher un peu plus de la source, ou d’envoyer des espions. Mais pour le moment, il y avait toujours ces rumeurs en ville. Pour la plupart fondées, mais on pouvait toujours trouver des informations grotesques et futiles. C’était à se demander si les Autres gobaient tout ce qu’ils entendaient… Enfin. Ce genre d‘informations étaient toujours vérifiables.

Et voilà, rien de bien amusant. Il ne semblait pas vouloir s’intéresser aux vrais plaisirs de la vie. Non, son second s’obstinait à travailler, plus ou moins sérieusement selon les moments, mais tout de même. A vrai dire, Drylen était convaincu qu’il se faisait jeter à cause de cela. Quelle femme voudrait d’un amant tellement épuisé à la tâche qu’il s’endormait en rentrant ? Bien entendu, l’homme aux yeux écarlate n’avait rien à voir avec ledit épuisement, hein. Quelle idée saugrenue…

Il poussa un profond soupir avant de déclarer :

- Je suppose qu’il faudra que je t’envoie enquêter plus sérieusement… Toi ou un autre, d’ailleurs. Cette sorcière commence à me les briser. Ce n’est qu’une gamine, elle ne pouvait pas fermer sa grande gueule plutôt que foutre le bordel ?

Tout à fait, selon lui, les sorciers et les sorcières devraient se laisser massacrés gentiment, se contentant jouer à cache-cache avec leurs amis chasseurs. Allez, gentils petits lapins, allez donc vous terrer dans vos terriers ! Ils devraient quand même se montrer résistants une fois débusqués, évidemment, sinon, le travail n’aurait rien d’excitant.

Il porta son verre de saké à ses lèvres et le vida d’un trait, avant de se saisir de la bouteille et de commencer à boire au goulot. L’alcool lui brûlait la gorge puis l’œsophage et les vapeurs empruntes d’éthanol lui montaient à la tête, le menant peu à peu à l’état d’ivresse. Enfin, il en fallait plus que ça pour rendre Drylen saoul. Bien plus. Il tenait remarquablement, simple constant que l’on pouvait faire. Allez savoir s’il s’agissait là d’une qualité ou d’un défaut, vu les litres et les litres qu’il pouvait ingurgiter ? Uh ? Alcoolique ? Peut-être, qui sait… Quoi que son orgueil démesuré devait certainement l’empêcher de dépendre de quoi que ce soit. Uh, pourtant, il ne se priverait pas d’un tel plaisir pour en faire la démonstration. Toutefois, si la situation l’exigeait, la privation de saké ne ferait que lui taper sur les nerfs, comme tant de choses. Il n’en deviendrait pas dingue pour autant. Il l’était déjà.

Drylen ne comprenait pas pourquoi son second ne buvait jamais. Enfin, tant mieux, ça en faisait plus pour lui, me direz-vous. Cependant, cela le laissait perplexe. Comme d’ordinaire, il s’imaginait des choses fortes amusantes, d’ailleurs, comme Dean, avec tout juste un verre qui entamait des danses sensuelles en se déshabillant, charmant toute la gente féminine.

Hm.
Voilà assurément qui ne serait pas bon du tout pour le chef des Hunters. Allons, il n’était pas méprisant au point de sous estimer les capacités de Dean en matière de femme, tout de même. S’il était un puceau invétéré –selon lui- , ce n’était pas pour autant qu’il ne possédait aucun atout.

Mais jamais il serait à la hauteur de Drylen, évidement. C’était bien connu : les femmes étaient attirées par le mauvais côté, la méchanceté, l’espèce de sauvagerie animale qui amenait l’érotisme à son paroxysme, sans oublier, bien sûr, une force conséquente, une beauté brutale et un sadisme non dissimulé. Uh ? Oui, tout à fait, c’était avec cela que notre cher ami trouvait ce qu’il nommait « les meilleurs coups ». Preuve qu’il y avait peut-être une part de réalité dans le raisonnement de Drylen. Ou bien une grande part de ces dames se trouvait atteinte d’un masochisme certain, au choix.

D’ailleurs, en parlant de damoiselles potables…

- Dis-moi, Dean… Aurais-tu une idée pour que l’on puisse autoriser quelques Autres à entrer dans la Forteresse comme bon leur semble ? Enfin, des femmes, bien sûr. La gente féminine de chez nous commence à me lasser –sauf Banshee, s’entend- et j’aimerai avoir de quoi me détendre « à domicile ».

Oui, vous n’êtes pas sourd. Monsieur ne veut plus se donner la peine de descendre au bordel de la ville, il préférait qu’on installe cela au sein même de la Forteresse, lieu de prestige pour les Hunters. S’il avait beaucoup d’autres idées dans le genre ? Hélas, je crois bien que ce soit le cas. Ne lui posons pas cette question, n’allons pas choquer d’avantage ces pauvres lecteurs. Pauvre Dean. Ce qu’il devait en subir au quotidien… Et encore, il ne s’agissait là que d’une scène de bureau ordinaire, que nous acceptons de vous faire partager. N’imaginez même pas ce qui peut se dire dans les coulisses, hein. Nous tenons –mine de rien- à votre santé mentale.

- Je suppose qu’il faudra que je t’envoie enquêter plus sérieusement… Toi ou un autre, d’ailleurs. Cette sorcière commence à me les briser. Ce n’est qu’une gamine, elle ne pouvait pas fermer sa grande gueule plutôt que foutre le bordel ?

C’était en effet une bonne question.

Dean non plus n’appréciait pas forcément ces changements qui survenaient à cause de la dite gamine, mais il ne pouvait se résoudre à en vouloir aux Sorciers de vouloir enfin se bouger. Seulement, pour ne pas changer, il continuait de les trouver pathétiques. Parce que désolé, mais pour lui, se réveiller au bout de plusieurs siècles seulement à l’appel à la rébellion d’une fillette, voilà quoi. C’était déshonorant pour eux. Parfois, notre Dean était fier d’être Hunter. Même si ce clan comportait ses propres cas… Je suppose qu’il est inutile à cet instant de vous dire de suivre mon regard, qui se dirige alors vers cet espèce d’énergumène qui buvait, affalé sur son canapé, et qui servait de chef. Inutile, en effet. Hum.

Le jeune homme se contenta là d’hocher la tête aux dires de son chef, en se redressant légèrement sur son coude. Oui, lui aussi pensait que ce serait une bonne chose d’envoyer quelqu‘un enquêter plus sérieusement du côté des Sorciers. Cela ne le dérangerait pas de s’en charger lui-même, à vrai dire. Mais surtout parce qu’il pouvait ainsi être sûr que le boulot serait bien fait. Oui, vous ne rêvez pas, aussi stoïque que Dean soit-il, il était aussi assez méprisant. Et jamais mieux servi que par lui-même, comme on le disait si souvent dans des proverbes. Et puis, il ne rechignait jamais devant la tâche. Pas de ce genre, en tous cas. Par contre, écouter les salades de ce cher Drylen au sujet des femmes, comme il le faisait d’ailleurs en ce moment, çà, çà lui plaisait moins. Pas que ce ne soit pas amusant, mais bon. On ne changeait pas Dean.

Il n’était donc pas très étonnant de voir Dean soupirer aux dernières paroles du chef des Hunters, de nouveau avec ce même air blasé qui lui allait aussi bien que son air stoïque. Non mais oh, Drylen ne pouvait-il pas se montrer un peu sérieux, de temps en temps ? Faire venir la gente féminine des Autres intéressante comme dans un bordel à domicile, non mais et puis quoi encore ? Pourquoi ne pas créer un bordel au sein de la Forteresse même et inviter les Sorcières au physique intéressant, pendant qu’il y était ? Non mais je vous jure. S’il était du genre à s’arracher les cheveux, Dean le ferait. Mais il y tenait, à ses cheveux, et il n’avait pas envie de se les arracher pour une sottise pareille. Il se contenta donc d’hausser de nouveau un sourcil, et répliqua, sans changer de ton :

- Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée. Ce serait trop la pagaille. Et puis, les Autres sont tellement faibles qu’on risquerait d’en tuer une sans faire attention.

Ironie ou propos pertinent ? Un peu des deux, certainement.

Dean ajouta ensuite, reprenant son rôle de bras droit réprimandant, en secouant légèrement la tête :

- Soyez un peu sérieux, chef.

Oui, effectivement, ceci n’était qu’une scène de bureau tout ce qu’il y avait de plus ordinaire entre un chef d’Hunters et son bras droit, comme chaque jour ou presque.

Sérieux ?

Quelle blague. Drylen était toujours sérieux. Le problème étant, plutôt, que lui et son Second n’avaient pas la même notion du sérieux. A ne pas en douter, le chef des Hunters considérait le fait d’installer un bordel au sein même de la Forteresse comme quelque chose de très important ! Pensez-y un peu. Le moral des hommes irait beaucoup mieux, avec un tel remontant. Or, la gente masculine faisait selon lui la force des Hunters. Ah, euh, non. Il ne prônait pas du tout l’égalité des sexes, même s’il accordait sa confiance aux femmes Hunters, qui faisait un travail certes efficace. Elles n’en restaient pas moins objets de plaisirs, la chair exquise. Tel était leur première utilitée aux yeux de notre chez Chef.

Par contre, il y avait une chose que Drylen appréciait chez son Second. C’était cette sorte de mépris qu’il avait développé envers les êtres inférieurs, soit les Autres et les Sorciers. Oui, les Possesseurs de Don étaient tous bonnement stupides de ne pas s’être révoltés plus tôt. Enfin, Dry’ était plutôt heureux que cela arrive alors qu’il était chef, bien entendu. Ca lui ferait un peu de sport, un peu de niveau, une épreuve qui serait peut-être à la hauteur de l’Homme qu’il était. Hm. Pour sûr, il ne se prenait pas pour de la merde, le coco. En même temps, vous commencez à le connaître, non ? En effet, il ne changerait pas comme ça, le cher Drylen, violent et vulgaire à souhait.

Quoi qu’il en soit, il lança à son second un sourire dont lui seul connaissait le secret, qui signifiait clairement que son conseil quand au sérieux était tombé dans l’oreille d’un sourd. Il n’allait pas lui faire le plaisir de déblatérer sur des sujets tous aussi inintéressant les uns que les autres, régler les affaires du jour et autres conneries dans le genre. Enfin, pas sans se bourrer la gueule au passage et faire chier son monde, s’entend. Mine de rien, Drylen tenait à la santé mentale de Dean. Surprenant, n’est ce pas ? C’est la raison pour laquelle il laissa son sujet favori de côté pour, hélas, parler de ce que Dean appelait des choses sérieuses. N’allez pas croire, néanmoins, qu’il se fichait de son rôle, loin de là. En fait, Drylen prenait sa tâche très à cœur et comptait réellement anéantir les Sorciers. Non pas que la vengeance soit dans ses mœurs –quoi que…- mais que l’appel du massacre résonnait en lui. Eradiquer les monstres, quelle joie !

Une nouvelle gorgée de saké lui brûla agréablement. Il rétorqua alors, reposant la bouteille déjà moitié vide sur la table basse.

- Voudrais-tu que je sois sérieux ? Rien à foutre de l’insipide paperasse, tu le sais, hein ? J’accorde déjà officiellement un jour de visite.

Ah bon ?
Voilà que sur un coup de tête, Dry-chou décidait d’autoriser les visites ? Recevoir de façon hebdomadaire les Hunters, voire même les Autres qui auraient des réclamations, assis à son bureau s’ennuyant ferme, baillant aux corneilles ? Voilà qui était assez inhabituel… Certainement y voyait-il un quelconque intérêt, peut-être la possibilité de voir des femmes furieuses se précipiter dans son bureau espérant l’intimider, qui sait ? Surement une connerie dans ce genre, quoi qu’il en soit. Il poursuivit donc :

- D’ailleurs, ce sera le…

Instant d’hésitation.
Quel jour était le moins intéressant de sa semaine, qu’il pourrait sacrifier sans trop de peine aux fastidieuses visites ? Le lundi, déjà, c’était hors de question. Les jours de possible livraison non plus. Ni les week-ends, les gens étaient bien trop disponibles et en profiterait pour le faire chier. Mercredi ? Non, jeudi, plutôt. Ouais, le jeudi.

- Le jeudi.

L’air profondément ennuyé, continua sur sa lancée, espérant ainsi assommer son Second de paroles « sérieuses » et ainsi avoir la paix pour un temps. Uh, Drylen devrait plutôt considérer le fait que Dean pourrait être ravi. Voilà qui serait du beau.

- Enfin, il faudrait avant tout se servir de cette journée pour confier objectifs et missions à tous les Hunters. Une réunion devrait avoir lieue après les visites, pour cela. Cela nous permettra de mieux nous organiser et nous serons plus à même de lutter contre ces stupides possesseurs de Don. Ah. Et ajoutons à cela une prime digne de ce nom, une montée en grade ou une quelconque récompense pour celui qui m’amènera Rosalie Adams.

Ce qui comptait en faire ?
La tuer, la violer, voyons.

Tout dépendrait de son humeur et de la jeune femme. S’il l’épargnait, elle finirait dans la grotte d’Almera, et il ferait surveiller l’entrée par les meilleurs Hunters. Alors, seulement s’engagerait une guerre sans merci. Un plan qui lui convenait très bien, quoi que, se débarrasser d’elle serait chose beaucoup plus aisée et entrainerait bien moins de complications. Il aviserait.

Une seule chose était sûre: il ferait regretter à cette sale gosse ses stupides idées de Rébellions.

Dean leva les yeux au ciel une nouvelle fois. C’était un geste rodé, chez lui.

Bien sûr qu’il savait bien que Drylen n’avait rien à foutre de la « paperasse insipide », comme il le disait si bien. Mais bon sang, il fallait bien exiger de ce chef de clan un minimum de sérieux, non ? Était-ce mal que de faire son boulot ? Pas pour Dean, en tous cas, non. Et puis, ce n’était pas comme s’il n’était pas habitué aux excentricités et au manque de motivation de son supérieur quand il s’agissait de se montrer un tant soit peu sérieux. Il faisait avec. D’ailleurs, en parlant d’excentricité, voilà que ce cher Drylen se mettait à annoncer qu’il allait accorder un jour de visites.

Là, le jeune homme aux cheveux décolorés haussa un sourcil, redressant légèrement la tête. Non parce que comprenez, ce genre d’idées venant de Drylen, ce n’était pas très commun. Voilà qu’il décidait maintenant que ce fameux jour serait un jeudi. Et que cette journée devrait avant tout servir pour confier missions et objectifs à tous les Hunters, qu’une réunion devrait avoir lieu après les visites pour cela et que cela leur permettrait de mieux s’organiser et qu’ils seraient plus à même de lutter contre les possesseurs de Don. Mais voilà qui était parfait ! Pour un peu, si Dean aurait été du genre original et joyeux à souhait, il en aurait applaudi. Mais il ne fallait pas rêver, Dean était Dean, comme Drylen était Drylen. Franchement, notre cher second doutait que ce dernier écoute avec attention toutes les requêtes des personnes qui viendraient se plaindre, mais bon. Passons.

Le second hocha alors la tête, toujours avec la même expression impassible, pour montrer qu‘il était d‘accord. Évidemment qu‘il l‘était, c‘était ce genre de décisions qu‘il voulait voir Drylen prendre plus souvent, au lieu de propositions divagantes comme celle d‘un bordel à domicile, par exemple. Alors il n‘allait certainement pas contester.

- Voilà qui est bien mieux. Nous pourrons instaurer cette journée de visites et de réunions dès que vous le voudrez, dès la semaine prochaine même.

Mieux valait ne pas traîner. A quoi cela pouvait-il servir d’attendre ? Les temps changeaient, autant se préparer dès maintenant.

Qquand à la prime ou la récompense pour quiconque ramènerait cette Rosalie Adams à Drylen, là encore, Dean hocha la tête pour montrer qu‘il partageait son idée sur le sujet. Bon, bien entendu, le stoïque second ne se faisait pas d‘illusions quand au traitement que ce cher Drylen ferait subir à cette Sorcière créatrice de problèmes, mais à vrai dire, il n‘en avait cure. Même s‘il était ouvert d‘esprit, il était loin d‘apprécier les Possesseurs de Dons. Et lorsqu‘on se risquait à monter une rébellion anti-Hunters au grand jour sans se cacher, il fallait s’attendre à en subir les conséquences, c‘était évident. Cette fille avait décidé de ne pas se cacher, très bien, c’était tout à son honneur. Mais il ne fallait pas s’attendre à ce que le clan Hunter la laisse faire ce qu‘elle voulait encore bien longtemps. Là encore, c‘était évident.

- J’irais faire également une annonce pour la prime, bien entendu.

Alléchante, bien sûr, la prime. Que cela motive le reste des troupes Hunters et qu’ils règlent ainsi enfin le problème Rosalie Adams. A cet instant, Dean se leva de son siège. Je vous avais déjà signalé un peu plus haut qu’il était inutile pour ce cher second d’attendre. Alors pourquoi attendre avant de faire ces dites annonces ? Le jeune homme pouvait aller les faire dès à présent, et ainsi, ce serait une bonne chose de faite. Et puis, Drylen était maintenant en compagnie de sa chère bouteille de saké, ce n’était donc pas très dangereux pour le bureau de le laisser seul. Enfin, en principe.

- Bien, maintenant, si çà ne vous dérange pas, chef, je vais vous laisser. Évitez de vous faire apporter trop de bouteilles de saké pendant mon absence, je ne tiens pas à voir les réserves vidées en quelques heures.

Et oui, parce que dans les fonctions du Bras-droit Modèle, il y avait aussi celle de vérifier qu‘il restait toujours assez de bouteilles de cette adorable boisson qui servait à alimenter en grande partie le Chef Vénéré des Hunters, entre beaucoup d‘autres.

Drylen soupira, se demandant quelle mouche l’avait piqué. Seule réaction de son Second ? Hausser un sourcil, redresser la tête et approuver. Oh, et profiter du prétexte « affiche » pour pouvoir se barrer. Mais merde, il voulait la sauter Rosalie ? Non, parce que cela justifierait son intérêt soudain pour les propos du Chef des Hunters. Il ne pouvait tout simplement pas être aussi sérieux et ne porter de l’intérêt qu’à du travail. C’était Humainement Parlant tout à fait impossible. Oui, Drylen était un cas : il ne concevait pas la normalité. Si on l’écoutait, tout le monde ne devait vivre que de ses instincts, de ses désirs, de ses fantasmes. Lui, leur laissait libre cours et les autres ne faisaient que se voiler la face, fuyant la débauche comme ils fuyaient la peste, se laissant lentement enchaîné par leur conscience à la con. Il les trouvait tellement ridicules, tellement hypocrites… En un sens, ils le dépassaient en tout. Sauf en franchise…

Non, n’allons pas jusque là tout de même.
Drylen est un traitre. Drylen est un menteur. Drylen est le vice sous toutes ses formes. Une preuve ? Les péchés capitaux peut-être ? Je dirais que quatre lui correspondent vraiment. Les autres sont plus superficiels. Regardez. L’Orgueil de notre ami est démesuré. Sa Gourmandise, aussi, si l’on considère son gout pour l’alcool. Ensuite vient la Colère, sentiment omniprésent chez lui. Allons, présentez lui un crétin de Possesseur de Don ou un quelconque individu barbant. Puis, évidemment, le summum de son art, la Luxure. Bref, joli score tout de même pour notre spécimen, n’est-ce pas ? L’avarice lui aurait tout aussi bien convenu, pour un peu que l’argent eut existé dans cette ville. Ne l’imaginez vous pas, en autre monde, dans une grande ville, mafieux, riche et mauvais à souhait ? Un dessein qui lui conviendrait fort bien.

Revenons tout de même à nos affaires.

Dry’ n’avait qu’une envie : jouer au chef capricieux, prendre un quelconque objet –le fauteuil, même, s’il le fallait- le soulever et assommer son Bras Droit avec.
…
Ben quoi ? C’est interdit ?
C’était le genre d’acte violent, puérils au possible qui parfois prenaient notre Chef. Et après, il arrivait que certains arrivent à se demander quelle était la nature de sa folie. Ben voyons. Vous voyez bien, ce n’est qu’un grand ronchon incapable d’avouer que même lui a des bon côtés –que nous cherchons encore- et débauché au possible. A cela, ajoutons qu’il est violent de nature et surtout canon. Tadam ! Vous avez un Drylen en puissance. Si ce n’est pas magnifique ? (Recette à ne pas expérimenter chez soi, je ne garantis pas le résultat, ni les conséquences d’un tel acte).
Heureusement pour Dean, son supérieur se socialisait quelque peu ces derniers temps, et aucun acte inconsidéré n’avait été mené à son égard. Une forme quelconque d’affection, si je puis dire. Pour sûr, il n’allait pas se mettre en tête de violer le décoloré. Allez, Dean, réjouis-toi de ce cours répit que son auguste personne t’accorde. Il se contenta en effet de marmonner :

- Quand il n’y aura plus de saké, on passera au whisky.

Il suivit du regard son Second qui quittait la pièce, puis, une fois seul dans son bureau, il s’offrit une grande rasade de saké. Bon, il était temps d’aller s’amuser un peu. A comprendre : filer en douce et aller faire un tour en ville, en priant pour que Banshee ne lui tombe pas dessus pour le défier. Cela lui ferait surement du bien de se défouler, mais il ne se sentait pas d’humeur.
C’est que les décisions sérieuses le déprimaient un peu, le pauvre poussin.

-{ Sujet clos }-

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